Histoire - La Forge à bas foyer de Chiapatella – Penta di Casinca
[Cliché P.Comiti 2018 – Documentation issue du livre La Métallurgie du fer en Corse – Direction du Patrimoine – Collectivité de Corse]
Ferriera, martinet dite forge de Fiumalto, dite San Pellegrino.
La première mention relative à la forge du Fiumalto apparaît dans les actes du notaire génois Francesco Parisola en 1518. En 1520, Francesco Sauli, marchand génois, obtient de l’Office de Saint-Georges la concession, pour six ans, de cet établissement et de celui de Viscuvatu. Il est chargé de le restaurer. Pendant ces mêmes six années, lui est concédé le droit exclusif d’approvisionnement en hématite de l’île d’Elbe. Il s’acquittera chaque année d’un loyer de 60 livres (monnaie de Gênes) payable en fer. Echappant à toute mention jusqu’en 1628, date à laquelle le propriétaire Pietro Maria Castiglione vend son établissement, en ruine, pour 340 livres, à un notable bastiais, Giovan Francesco Franceschi (ce dernier avait manifesté sa volonté, dès 1624, de construire sur le Fium’Alto une ferriera dite à la génoise), la reconstruction de la forge qui sera le premier établissement dit à la génoise commence cette même année.
Le chantier est conduit par le maître maçon lombard Giovan Maria Satore, logeant à Talasani. Les travaux durent un an et demi. En juillet 1629, sont construits : barrage de prise d’eau et bief d’amont (madre e piobba), réservoir (pozzu), halles à charbon (case carbonili), halle de travail (casa della ferriera) ainsi qu’un martinet. En 1630, la forge est alors prête à battre fer…
En 1637, l’établissement (dont la valeur est de 12000 lires monnaie de Gênes), est donné en dot, par Geronima Franceschi, veuve de Giovan Francesco, à sa fille, épouse du capitaine Carlo Castagnola, qui la gère avec son père le capitaine Simone Castagnola, gendre de Gregorio Varese. Elle est revendue en juin 1639 au « Magnifique » Paolo Spinosa, détenteur du domaine de Casabianda, grand domaine foncier que Gênes lui concéda pour les services rendus à la République. La « Sérénissime » lui accorde des privilèges identiques à ceux qu’elle avait octroyés à Giovan Francesco Franceschi (privilèges douaniers et périmètre protégé).
En 1664, les bâtiments, notamment celui qui abrite le martinet, sont gravement endommagés par un incendie dans un vallon proche de l’édifice. Le pyromane ayant été identifié, sa famille s’engage à payer aux Spinola toutes les réparations nécessaires.
En 1668, les propriétaires Cristofaro et Carlo Spinola assignent en justice la paroisse de Saint Jean de Tavagna, qui ne respecterait pas son engagement lié à la fourniture de bois charbonnable et mettrait en péril le fonctionnement de l’établissement.
En 1676-1677, à la demande du Magistrato di Corsica, la forge produit 5,2 t de fer destiné à l’artillerie génoise (confection de « grosses échelles et de matériel d’artillerie ; fer ronds et fers plats produits par des martinets appropriés »).
En 1698, la ferriera est gérée par Guiseppe-Maria Raffalli, de Stazzona d’Orezza et emploie comme forgerons maestro Paolino Cantoni de Lucques et ses enfants, Gianonne et Francesco.
En 1701, elle est toujours la propriété des frères Spinola, et ce, au moins jusqu’en 1724 ; date à laquelle Ignazio Francesco Casevecchie en est l’intendant (fattore). Propriété des notables Giappiconi de Castellà di Casinca dans le quatrième quart du XVIIIème siècle, elle produit 150 livres de fer par jour en 1774, comme le révèle la notice du Plan Terrier. Elle est toujours active en 1820, 1828 et 1832.
En 1846, lors de la visite de l’ingénieur Jean-Baptiste Meissonnier, elle affine la fonte de l’usine de Toga. Quatre ans plus tard, on retrouve une « Société des forges du Fiumalto », créée le 15 décembre 1850, dont le gérant était le parisien Félix Delabre.
L’enquête industrielle de 1857 apporte les informations suivantes : « Forge à fer dite de Fiumalto, exploitée par Jackson Charles et William, frères. En 1854, tout l’établissement chôme. [On y retrouve] une forge à deux marteaux, une autre forge à un marteau, une fonderie. Cet établissement industriel est situé sur le torrent de Fium’Alto, dont le cours d’eau est très abondant. Sa chute est belle, le moteur de cette usine est une roue à godets, les bâtiments consistent dans un magasin de charbon, un magason pour les matières fabriquées, une pièce pour loger les ouvriers. Cette usine tire le minerai de l’île d’Elbe. Elle est située à 1 kilomètre de la route nationale 198 d’où les voitures peuvent arriver à l’usine. Valeur vénale 72 000 F ».
En 1863, la forge, dénommée « à la catalane », appartient à Louis Lantieri. L’enquête industrielle ne nous précise pas si elle fonctionne ou non. Telles sont les dernières mentions dont nous disposons.
Notons aussi l’existence révélée par des docuements du XVIIème siècle d’une autre ferriera située à quelques centaines de mètres au-dessus de cet ensemble.
Le site a été visité entre 1986 et 1988, ainsi qu’en 2018. Malgré ses profonds bouleversements et grâce à l’aide du plan cadastral, le bon état du bâtiment, partiellement transformé en habitation, a permis de situer l’emplacement des différentes installations, notamment :
- Une halle de 128,6 m² ouvrant sur une charbonnerie de 40m² ;
- Une annexe mitoyenne abritant anciennement des martinets.